Utilisée récemment en eau douce, cette technique vient d´être testée en mer. En analysant l´ADN contenu dans la colonne d´eau, elle pourrait s´avérer simple et peu coûteuse pour effectuer l´inventaire et le suivi génétique des espèces, en complément de l´identification visuelle et acoustique. À condition d´être optimisée, car le défi semble plus grand en milieu marin.
Les méthodes de prélèvement
L´utilisation de marqueurs génétiques au niveau moléculaire permet de détecter la présence d´espèces, de réaliser des inventaires de biodiversité et des suivis sur des individus ou des populations. Il est possible d´obtenir de l´ADN sans même s´approcher des animaux, en analysant leurs « restes », c´est-à-dire les fèces, les poils, la peau, la mue. En milieu terrestre et semi-aquatique, ces techniques sont déjà largement utilisées. Mais, dans le milieu aquatique, les
« restes » témoignant de la présence des espèces dans les écosystèmes sont moins accessibles.
Pour les cétacés, le prélèvement de tels échantillons nécessite d´être directement en présence de l´animal pour collecter des fèces, des fragments de peau ou un peu de l´air qu’il vient d´expirer. Les coûts financiers et le déploiement logistique de cette méthode sont aussi importants que pour le prélèvement de peau ou de gras par biopsie. Mais, la mue de peau, l´urine et les fèces constituent également des sources d´ADN environnemental (ADNe), pouvant se conserver sous une forme extracellulaire, de manière persistante.
Fiable pour les cétacés ?
Les scientifiques danois ont tenté de savoir si cet ADNe présent dans la colonne d´eau pouvait être utilisé pour détecter la présence de mammifères marins. Si l´ADNe s´est révélé être un outil à fort potentiel pour le suivi génétique des espèces dans les écosystèmes en eau douce, son utilisation représente un défi encore plus grand dans l ‘environnement marin, en raison de sa plus grande dilution et dispersion avec les marées et les courants, du mélange des eaux et de la salinité. Dans cette étude, le marsouin commun (Phocoena phocoena) a été testé comme modèle pour les cétacés de petite taille, dans la partie ouest de la mer Baltique. Sur cette zone, des relevés acoustiques des émissions sonores de ces cétacés ont permis de valider leur présence et leur nombre, alors que les tests de détection basés sur les prélèvements d´ADNe étaient effectués.
Selon les résultats de l´étude, la détection des espèces avec l´ADNe est moins fiable dans l´écosystème marin qu´en eau douce, ce que prévoyaient d´ailleurs les scientifiques. Cependant, ces résultats suggèrent qu´il est réellement possible de détecter la présence de mammifères marins par l´amplification de l´ADNe prélevé dans des échantillons d ‘eau, avec l´utilisation de courtes séquences génétiques, spécifiques aux diverses espèces, telles que des codes à barres ADN. Mais tout dépend de la taille, du comportement et de la densité de l´espèce ciblée.
En étant optimisée et avec de plus grands volumes d´eau de mer que dans ceux de l´étude, cette méthode pourrait s ‘avérer un bon complément à l´identification visuelle et acoustique des mammifères marins. Elle constituerait une technique peu onéreuse et simple d´un point de vue logistique pour obtenir et archiver des données génétiques sur les espèces. Cependant, cette méthode indirecte d´échantillonnage d´ADN ne permet pas de savoir si les animaux étaient présents sur le site récemment, ou si l´ADNe provient d´une autre région en ayant voyagé avec les courants, ou bien encore s´il constitue un reste d´un animal mort depuis longtemps.
La détection génétique d´un globicéphale noir, à partir d´un prélèvement d´eau sur un des sites de l´étude situé plus à l’est en mer Baltique, souligne le potentiel de cette méthode pour repérer les rares visites d´une espèce dans une région. [PLoS One]
En savior plus
Sur le site de PLoS One (en anglais seulement) : Investigating the Potential Use of Environmental DNA (eDNA) for Genetic Monitoring of Marine Mammals