Les mille et une merveilles du Saint-Laurent
Cette semaine a été marquée par des rorquals bleus dans l’estuaire, des bélugas à Cap-aux-Oies, des baleines noires en Minganie, des marsouins communs à Sept-Îles, une flopée de petits rorquals à Franquelin et toujours autant de cétacés en Gaspésie! À Tadoussac les petits rorquals et les bélugas volent la vedette avec des comportements d’alimentation formidables. Histoire de rendre ce paysage encore plus enchanteur qu’il ne l’est, une aurore boréale a tapissé le ciel du Québec il y a quelques jours. Un paradis tout autant terrestre que marin.
Courir avec les baleines
Une résidente de la Haute-Côte-Nord a couru pour la cinquième édition du Béluga Ultra Trail samedi dernier et y a fait une rencontre qui était la bienvenue : « Rendue à la section de la Pointe de l’Islet, il y avait des bélugas dans l’embouchure et en face de la baie de Tadoussac! Ça finit bien une course qui a presque eu raison de mes genoux! » partage-t-elle. Avec une participation record, l’organisation de l’évènement a remis au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) un montant pour soutenir l’adoption de leurs trois bélugas adoptés.
Allégresse oblongue
En Haute-Côte-Nord, une nouvelle vague de mégaptères s’annonce avec la venue d’Inuksuk (H811), de Sensor (H904) et de Galaxie (H916), tous aperçus ces derniers jours. Le rorqual commun au flanc marbré Bp903 vogue aussi dans nos eaux turbides. Notons également le retour des rorquals à bosse H929 (Éline) et H919 (Pixel/Titlo) ainsi que des rorquals communs Zipper (Bp097) et Orion (Bp017) dans nos jumelles!
Cinq rorquals bleus ont fait grâce de leur présence dans l’estuaire, dont un individu qui s’est aventuré jusqu’au large de l’embouchure du fjord du Saguenay! Pléiades (B197), Torishinto (B112) et Bird of Prey (B261) semblent se plaire ici, car ils sont toujours de la partie après plusieurs jours. Le vieux mâle B311 et le pérégrin Swoosh (B348) se sont ajoutés à cette parade. Swoosh est un rorqual bleu furtif et n’en serait qu’à sa deuxième visite dans les eaux du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Identifié en 1997 par la Station de recherche des Îles Mingan (MICS), son corps presque nacré a été vu dans le golfe en 2000, 2006, 2014 et 2018.
Sérendipité inoubliable
Assises sur l’éperon rocheux devant le Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM) à Tadoussac, quelques personnes privilégiées ont pu être éblouies par des pirouettes spectaculaires. Un passionné raconte : « Nous avons assisté à un spectacle incessant de petits rorquals et de familles de bélugas sillonnant les eaux du fjord du Saguenay à la recherche de nourriture. On pouvait entendre les souffles des baleines lors de leur remontée à la surface, avant leur plongée. » Éclaboussures de nageoires pectorales et caudales, sauts dans les airs, des petits rorquals prenaient des gorgées de poissons, les sillons turgescents. « Un manège grandiose et apaisant qui se déroulait avec une certaine langueur, rendant leur évolution encore plus majestueuse » se remémore l’observateur. Une naturaliste a même entrevu des bélugas nager juste au-dessus d’un petit rorqual avant qu’il n’émerge des flots. À ce pittoresque tableau s’ajoutait un phoque commun qui se demandait peut-être ce qu’il se tramait là.
Une amoureuse de la nature s’est rendue à Pointe-Rouge avec sa famille pour contempler le coucher de soleil et le lever de lune. Quelle ne fut pas leur émerveillement lorsqu’un grand groupe de bélugas est venu jusqu’au pied des rochers! « On pouvait entendre leurs souffles et les voir par transparence, c’était fou ! […] Puis ils sont repartis, le long du reflet de la lune sur le Saint-Laurent! Il y a eu trois petits phoques aussi dans le coucher du soleil. » Le Saint-Laurent recèle réellement de merveilles bien vivantes.
Observations au septentrion
L’activité reprend dans la région de Baie-Comeau avec petits et grands rorquals. Un nord-côtier passionné a observé six petits rorquals tourbillonnants au même endroit et son premier thon rouge de la saison, qu’il a pu voir sauter hors de l’eau! Quelques rorquals à bosse ont défilé ces derniers jours, en plus d’une mystérieuse baleine qui interroge les plus affûtés des observateurs et observatrices! Petit rorqual bleu ou gros rorqual à bosse qui ne montre ni sa nageoire dorsale ni sa caudale? Les avis sont partagés, mais il s’agit probablement d’un gros rorqual à bosse observé au côté d’un plus petit individu.
Dans le coin de Pointe-des-Monts et Gallix, quelques phoques gris et des petits rorquals ont pu être aperçus, et les résidents et résidentes attendent avec patience la venue de plus gros cétacés.
À Sept-Îles, une navigatrice a pu admirer deux rorquals bleus, un rorqual commun, deux petits rorquals et quelques centaines de marsouins communs!
Un havre pour des visiteurs nordiques
Parmi les iles et les monolithes parfois embrumés des iles Mingan, des naturalistes rapportent des marsouins, des petits rorquals et quelques phoques gris et communs. Pourtant, ce sont de nouveaux arrivants qui ont charmé les esprits.
Sous un soleil radieux, une mouvée de phoques du Groenland a surpris des touristes qui scrutaient les eaux à la recherche des baleines. Début septembre, le phoque du Groenland amorce une migration saisonnière sur des milliers de kilomètres depuis l’Arctique canadien et le Groenland, dans les eaux du nord de Terre-Neuve, du sud du Labrador et du golfe du Saint-Laurent.
Kyrielle noire au large de la Minganie
Plus au large, le MICS a vécu une semaine foisonnante. Dans le détroit de Jacques-Cartier, une vingtaine de baleines noires de l’Atlantique Nord, dont des veaux, ont été observées par les scientifiques. En une journée, 16 individus ont été dénombrés! Les baleines noires n’étaient pas les seules au rendez-vous : le rorqual à bosse Splinter (H638) et le rorqual commun Curly (F002) ont aussi été repérés.
La baleine noire de l’Atlantique Nord est une espèce rare et toujours en voie de disparition malgré un statut international de protection mis en place en 1935 par la Société des Nations. On pensait même l’espèce éteinte lorsque dans les années 50 des scientifiques ont remarqué quelques individus dans la baie de Cape Cod.
Explosion de vie sur la rive sud
Alors que les visiteurs et visiteuses ont pu sereinement contempler les bélugas depuis l’observatoire à Cacouna, un rorqual à bosse effectuait du lobtailing à Saint-Anne-des-Monts. Lors de ce comportement à l’utilité encore mal comprise, le cétacé élance sa nageoire caudale sur le côté avec vigueur en frappant la surface de l’eau. Une toute autre expérience, mais qui émerveille aussi à sa manière!
Plus au Nord, à Gaspé, on ne dénombre plus les baleines observées. Rorquals à bosse, rorquals communs, dauphins à flancs blancs, marsouins communs et petits rorquals alimentent les conversations et amènent avec eux engouement et émoi.
Une riveraine a aussi pu photographier des phoques communs dans la baie de Gaspé : « Une dizaine de phoques communs […] en plus des 3 réguliers qui occupent leurs roches à l’autre bout de la baie. Je n’avais encore jamais vu autant de phoques ici! »
Nouvelle-Écosse en direct
Une membre de l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) nous a fait parvenir une observation en direct de la Nouvelle-Écosse. Par une fraiche matinée d’automne, elle a vu une quinzaine de phoques gris ainsi que des globicéphales noirs! Le globicéphale noir de l’Atlantique Nord est un résident estival du golfe du Saint-Laurent, surtout de la péninsule gaspésienne et de la côte est de Terre-Neuve. On connait toutefois peu de chose sur cette espèce. Dans le Saint-Laurent, cette population est estimée à 1 600 individus selon des relevés aériens effectués en 1995.
Le paradis du désert bleu
Où que l’on soit le long des rives du Saint-Laurent, on contemple les eaux pastelles des derniers jours avec sérénité. On ne se lasse pas d’être comblés par la beauté des lieux et les effluves iodées qu’amènent les doux vents du grand large. Les eaux du Saint-Laurent scintillent encore d’une myriade de mammifères marins de toutes tailles, de toutes formes, de toutes couleurs. Prenons le temps de nous arrêter et respirer à pleins poumons, car nous sommes ici au paradis!
Où sont les baleines cette semaine? La carte des observations
Ces données ont été rapportées par notre réseau d’observatrices et observateurs. Elles donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!
Cliquez sur les icônes de baleine ou de phoque pour découvrir l’espèce, le nombre d’individus, des informations supplémentaires ou des photos de l’observation. Pour agrandir la carte, cliquez sur l’icône du coin supérieur droit. La carte fonctionne bien sur Chrome et Firefox, mais pas aussi bien sur Safari.
Pour faire apparaitre la liste des observations, cliquez sur l’icône du coin supérieur gauche.
Merci aux collaborateurs et collaboratrices!
Merci aux observateurs et observatrices qui partagent avec nous leur amour pour les mammifères marins! Vos rencontres avec les cétacés et les pinnipèdes sont toujours un plaisir à lire et à découvrir.
Ce sont vos yeux, sur l’eau ou depuis la berge, qui permettent à cette rubrique de voir le jour.
Célia Baratier
Anik Boileau
Odélie Brouillette
Michel Comeau
Guylaine Côté
Thalia Cohen Bacry
Jean-Philippe Cohen Bacry
Patrice Corbeil
Laetitia Desbordes
Andréanne Forest
Paule Goulet
Helene Lahaie
Jade-Audrey Lavergne
Yael Medav
Élizabeth Melis
Diane Ostiguy
Chloé Pazart
Renaud Pintiaux
Pascal Pitre
Mathilde Potvin
Jean Roy
Marielle Vanasse
Et à tous les autres!
Merci aussi aux équipes qui partagent leurs observations :
Centre d’éducation et de recherche de Sept-Îles (CERSI)
Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)
Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM)
Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM)
Station de recherche des Îles Mingan (MICS)
Vous souhaitez vous aussi partager vos observations?
Vous avez observé des mammifères marins dans le fleuve Saint-Laurent? Qu’il s’agisse d’un souffle au large ou de quelques phoques, écrivez-nous et envoyez-nous vos photos à [email protected]!
Thalia Cohen Bacry
Thalia Cohen Bacry est rédactrice scientifique pour le GREMM après avoir été naturaliste en 2023. Diplômée de UBC, elle a complété une maîtrise en études internationales à l’Université Laval et poursuit un apprentissage dans plusieurs domaines, dont la géographie, les sciences politiques et le comportement animal. Fascinée depuis toujours par la protection de l’environnement, elle a grandi en Savoie, entourée des lacs et des montagnes, avant d’immigrer au Canada et de découvrir des espaces encore plus grands et plus sauvages. Intrépide, curieuse, et persévérante elle aime apprendre, observer, et analyser afin de sensibiliser à la sauvegarde de nos océans et ainsi contribuer à leur protection.
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