Bien qu’il n’ait été découvert qu’en 2021, le rorqual de Rice est l’une des baleines les plus menacées au monde. Selon des estimations récentes, il resterait moins de 75 individus.

Une présentation bien méritée

Le rorqual de Rice doit son nom au cétologue américain Dale W. Rice, qui fut le premier à identifier la présence du rorqual de Bryde – une espèce apparentée – dans le golfe du Mexique en 1965. Cette baleine à fanons peut mesurer jusqu’à 12,65 mètres et peser jusqu’à 27 tonnes. Avec le rorqual de Bryde,  le rorqual de Rice est le seul rorqual à posséder trois crêtes sur son rostre. Le rorqual de Rice présente un ombre inversée, c’est-à-dire une coloration grise foncée sur le dessus et rose pâle en dessous. Le corps de la baleine est fuselé, la nageoire dorsale est incurvée et pointue, et elle possède une grande nageoire caudale aux bords lisses.

Le rorqual de Rice est la seule baleine à fanons résidant toute l’année dans le golfe du Mexique. Elle se trouve principalement sur le plateau continental dans la partie nord-est du golfe, à des profondeurs comprises entre 100 et 400 mètres. On ne sait pas grand-chose sur le cycle de vie de cette espèce. D’après les recherches menées sur le rorqual de Bryde, qui lui est étroitement apparenté, on estime que le rorqual de Rice atteint sa maturité sexuelle à l’âge de 9 ans et qu’il est capable de se reproduire tous les 2 ou 3 ans. Les rorquals de Rice sont des prédateurs sélectifs qui consomment les proies en banc ayant un contenu énergétique élevé.

Un arbre généalogique complexe

Pendant longtemps, on a cru que le rorqual de Rice était un rorqual de Bryde, en raison de leurs similitudes physiques. Ce n’est que récemment qu’il a été classé comme une espèce indépendante. Le « complexe du rorqual de Bryde » comprend plusieurs espèces de baleines, dont les liens de parenté ne sont toujours pas élucidés. Le complexe comprend le rorqual commun de Bryde (Balaenoptera edeni brydei), le rorqual d’Eden (Balaenoptera edeni edeni) et, jusqu’à récemment, le rorqual d’Omura (B. omurai) et le rorqual de Rice (B. ricei).

La décision de nommer une nouvelle espèce a été prise à la suite d’une recherche publiée en 2021. L’étude a examiné les différences morphologiques entre les quatre crânes des baleines qui composent le complexe du rorqual de Bryde. La principale différence physique chez Balaenoptera ricei est que les naseaux s’affinent et se courbent latéralement vers l’arrière et ont une marge lisse. Il y a également un grand espace entre les os nasaux qui ne se rétrécit pas vers l’arrière. Les os frontaux font également sailli vers l’avant entre l’extrémité postérieure des nasaux.

Cette étude a également utilisé les données génétiques d’un article précédent datant de 2014 qui comparait le génome des espèces incluses dans le complexe des rorquals de Bryde. Bien qu’il n’avait pas encore été décidé que le rorqual de Rice était une espèce distincte, les résultats de cette étude ont contribué à cette découverte. Les scientifiques avaient constaté que les «rorquals de Bryde du golfe du Mexique» présentaient de très faibles niveaux de diversité génétique et étaient génétiquement distincts de tous les autres membres du complexe des rorquals de Bryde.

Une espèce sous la loupe

Une étude récente visant à décrire l’habitat essentiel de cette baleine et ses principales caractéristiques environnementales a révélé que le rorqual de Rice dépend d’un environnement océanographique complexe. Le rebord du plateau continental se caractérise par des températures basses et une salinité élevée, ce qui favorise la remontée d’eau, utile pour le cycle des nutriments. Ceci forme un environnement riche en nutriments qui abrite une diversité de vie, y compris le poisson Ariomma bondi, la principale source de nourriture de la baleine de Rice.

Le programme scientifique RESTORE de la NOAA a également beaucoup travaillé à mieux comprendre le rorqual de Rice. Le projet d’écologie trophique du rorqual de Rice dans le golfe du Mexique tente de répondre à de nombreuses questions. Grâce à la photo-identification, ils ont pu créer le premier catalogue de l’espèce. Ils possèdent actuellement 33 observations de baleines, certains individus étant observés depuis plus de 15 ans. Ils posent également des balises pour mieux comprendre leurs comportements. Ils collectent aussi des échantillons, de l’ADN environnemental et mesurent le type et la répartition de leurs proies. Ces travaux sont importants pour la prise de décisions en matière de conservation de l’espèce et pour l’élaboration de plans de gestion.

Principales menaces

Jusqu’à récemment, il était difficile d’identifier les principales menaces auxquelles le rorqual de Rice est confronté. En raison du complexe du rorqual de Bryde, il y a peu d’informations sur l’espèce. Aujourd’hui, le rorqual de Rice est protégé par le Endangered Species Act (ESA). L’espèce est en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Malgré son nouveau statut, le rorqual de Rice est toujours confronté à de nombreux dangers. L’une des principales menaces qui pèsent encore sur le rorqual de Rice sont les conséquences de la marée noire de Deepwater Horizon en 2010. Un rapport de 2015 a révélé que 48% de l’habitat de la baleine a été touché par la marée noire et que la taille de la population a diminué de 22% suite à la catastrophe. Le rapport estime qu’il faudra 69 ans pour que la population se rétablisse. La marée noire a eu de nombreux effets négatifs, affectant 18% de la population, et a également provoqué un échec de la reproduction chez de nombreuses femelles. Des plans de restauration ont été mis en place, mais il reste encore beaucoup à faire.

Les autres menaces présentes dans le golfe du Mexique proviennent des risques élevés de collisions avec les navires, des perturbations sonores d’origine anthropique, de l’exploration énergétique, des niveaux élevés de polluants et de contaminants, des empêtrements dans les engins de pêche et des effets du changement climatique sur les proies de la baleine.

La conservation n'a jamais été facile

Le Bureau of Ocean Energy Management (BOEM) a formulé des recommandations visant à protéger le rorqual de Rice et son habitat essentiel. Les principales recommandations comprennent une surveillance plus stricte des zones d’évitement des collisions, une restriction de vitesse dans la zone de le rorqual Rice, le maintien d’une distance de 500 m, et bien d’autres choses encore. La NOAA a également proposé une règle pour désigner l’habitat critique de ce cétacé qui couvrirait 28 270,65 miles carrés du plateau continental dans le golfe du Mexique.

Pour certains, les avis sur les nouvelles mesures divergent. Dans une lettre datée du 1er mai, plusieurs ont exprimé leur désapprobation à l’égard de la nouvelle réglementation en raison du «manque de soutien scientifique solide». Dans de tels cas, il est important de se rappeler que l’espèce n’a été découverte que récemment et que les connaissances sont limitées.

En raison de sa découverte récente, on ne sait pas grand-chose sur le rorqual de Rice. Les possibilités de recherche sont aussi vastes que l’océan. Ceux et celles qui oseront s’y aventurer sont sûrs de trouver un trésor d’informations nouvelles et intéressantes.

Actualité - 3/10/2024

Yael Medav

Yael Medav est une rédactrice au GREMM depuis le début de la saison 2024. Elle vient de finir son baccalauréat en biologie de la faune à l’université de McGill. Elle est fascinée par les baleines et espère voir une baleine noire cet été!

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