Si vous suivez les actualités sur les baleines, vous avez probablement déjà entendu parler des engins de pêche fantômes. Certains de nos lecteurs s’interrogent : quels sont ces spectres qui se tapissent dans l’ombre de nos océans? Quel est leur impact sur les baleines? Loin d’être des créatures paranormales, il s’agit d’engins de pêche ayant été abandonnés, perdus ou encore jetés à la mer. Dans la majorité des cas, les pertes sont accidentelles et causées par l’accrochage des engins sur le fond marin, un enchevêtrement avec d’autres engins, des conditions météorologiques défavorables ou un bris provoqué par le trafic maritime.
Pêche et océans Canada estime qu’entre 600 000 et 800 000 tonnes d’engins fantômes se retrouvent ainsi dans les océans chaque année. C’est environ le poids de 10 000 rorquals bleus! Les engins de pêche fantômes représentent ainsi près de 10% du volume total des détritus marins. Mais même s’ils ne constituent qu’un dixième des déchets demeurant au fond de nos océans, ces engins sont aujourd’hui la plus grande source de pollution plastique en milieu maritime. Ils sont, après tout, faits de matériaux plastiques très robustes, tels que du nylon, du polyéthylène ou du polypropylène. Entre 46 et 70% des particules de microplastique qui sont présentement en suspens dans les eaux océaniques proviendraient de la très lente décomposition de ces fibres synthétiques.
Des pièges mortels
Bien qu’ils ne soient plus activement utilisés, les engins de pêche fantômes ont été conçus pour une tâche bien précise : attraper des poissons. Et ça, ils le font toujours, même lorsqu’ils reposent sur le plancher océanique ou sont emportés par les courants marins. La pêche fantôme devient alors une forme de pêche sans pêcheur. La présence de ces engins provoque ainsi chaque année un nombre important d’empêtrements accidentels de poissons et de mammifères marins, ce qui cause un grand nombre de blessures et de décès.
Les engins fantômes participent aussi à la dégradation du paysage aquatique. Ils recouvrent les fonds marins et endommagent les habitats océaniques. Les coraux sont particulièrement vulnérables : les cordages et les filets à la dérive les brisent, les écrasent et les asphyxient, provoquant leur mort prématurée et mettant en péril la faune qui y élit habituellement domicile.
Des solutions mises en marche
Depuis quelques années, les impacts des engins de pêche fantômes sont de plus en plus étudiés. En conséquence, les efforts se multiplient à l’échelle mondiale pour nettoyer les océans de ces déchets. En 2020, le Canada a procédé à la création d’un Fonds de financement pour soutenir 26 projets s’attelant à cette problématique. Parmi ces projets, plusieurs vont viser le repêchage des engins fantômes. D’autres vont orienter leurs efforts sur le développement de nouvelles technologies qui visent à améliorer les stratégies de récupération et de recyclage. Certains projets ont plutôt pour objectif de revoir la conception et la composition des futurs engins de pêche afin de les rendre moins mortels et moins polluants.
Au cours de l’année 2020, les efforts canadiens de nettoyage ont permis d’extraire 63 tonnes d’engins fantômes de l’océan Atlantique, dont 14% provenaient du fleuve Saint-Laurent. Certains ont pu être retournés à leurs propriétaires. Les engins restants ont été confiés à des centres spécialisés. Ces centres, qui bénéficient du Fonds de financement, développent de nouveaux processus de triage et de recyclage des engins de pêche afin d’en détourner le plus possible des sites d’enfouissement.
Des opérations de nettoyage ont aussi été prévues dans le Pacifique pour 2021. Leur bilan pour l’année reste à venir.