Entre les bourrasques de neige, un petit troupeau de bélugas se faufile entre les glaces au large des Bergeronnes le 5 février. La dizaine de baleines blanches longent la batture à Théophile, en direction du cap de Bon-Désir. Ils nagent, indifférents au froid extérieur, au vent, à l’eau fraiche qui soutient leur corps, poursuivant leur vie de bélugas dans un Saint-Laurent déserté par les bateaux de plaisance et de pêche. Il ne reste que les gros cargos, les vraquiers, les pétroliers qui viennent livrer les vêtements, les objets du quotidien, la nourriture qui se trouvent ensuite dans nos foyers. Le paysage sonore du béluga change, durant l’hiver. Le bruit des moteurs est remplacé par le grincement des glaces. Mais cette année, elles sont peu nombreuses à dériver autour d’eux.
L’incroyable répertoire vocal des bélugas pourrait être une réponse adaptative aux couinements et craquements de la banquise qui se brise. Car la glace fait partie intégrante de leur vie. Cette espèce se trouve habituellement dans l’Arctique, où elle vit à l’année. La petite population qui réside dans le Saint-Laurent est un héritage de la dernière glaciation. «Nos» bélugas ne visitent pas leurs lointains congénères dans l’Arctique. S’il y a mélange entre les deux, c’est un cas isolé, un vagabond comme le narval qui nage dans l’estuaire depuis 2016. Mais si cela arrive avec les bélugas, visuellement, nous ne le saurons pas. Ce n’est qu’avec une analyse des gènes et des profils de contaminants que nous pourrions déterminer que ce béluga est un visiteur exceptionnel dans le Saint-Laurent.
Les bélugas ont une forte tolérance à la présence de glace. En Alaska, des bélugas munis de balise satellite ont étonné les chercheurs. Ils ont parcouru 700 km dans des eaux couvertes de 90% à 100% par de la glace! Leur excellente capacité à se repérer dans l’environnement grâce au son leur est certainement utile pour trouver les endroits où ils peuvent remonter à la surface pour respirer. Mais attention! Dans l’Arctique, les ours polaires sont tout aussi bons pour dénicher ces minces filets qui mettent à risque les bélugas. Ce prédateur naturel peut passer des heures à guetter un trou dans l’espoir d’y voir un mammifère marin venir y respirer. Tout compte fait, les bélugas du Saint-Laurent n’ont au moins pas cette menace à se préoccuper.
Encore des nouvelles du Sud!
Le 7 février, René Roy repère dans les photos prises par Whale Samana le rorqual à bosse femelle Fleuret. Connue depuis 1982 par la Station de recherche des iles Mingan, cette femelle est la fille de Pseudo, et la mère d’au moins sept baleineaux! En 2019, son dernier-né Hockey est lui-même accompagné d’un baleineau. Fleuret est donc grand-mère. La verrons-nous à nouveau avec un veau l’été prochain dans le golfe du Saint-Laurent? Les rorquals à bosse femelles ne vivent pas la ménopause. Elles peuvent donc être mères, grand-mères et qui sait, arrière-grand-mères tout à la fois!