De mai à octobre, cinq jours par semaine, le Bleuvet sillonne les eaux du fleuve Saint-Laurent à la recherche de troupeaux de bélugas pour les prendre en photo et pour étudier leurs interactions sociales. Cette semaine, nous nous sommes fait demander : à quoi servent ces photos? Pourquoi faut-il continuer de photographier les bélugas après 30 ans de recherches?
Quand nous approchons d’un troupeau, nous regardons en premier lieu la composition des différents groupes du troupeau, puis nous cherchons les animaux avec des marques fiables/durables qui permettent de différencier les individus entre eux. Seulement les animaux avec des marques sont pris en photo, c’est le principe de capture/recapture photographique, qui se base sur les marques naturelles visibles des animaux qui permettent de les reconnaitre au cours d’une saison et même tout au long de leur vie. Par exemple, cette semaine, au large de l’ile aux Basques, nous avons rencontré Leucas, qui est reconnaissable au premier coup d’œil avec ses taches grises et la petite cicatrice en dessous de l’une d’elles. Grâce à ses marques, nous le connaissons depuis 2008.
Avec les multiples photos des animaux, nous sommes capables d’avoir des histoires de vie et aussi d’identifier des secteurs où les bélugas vont passer plus de temps, ce qu’on appelle des aires de hautes résidences (AHR), comme la baie Sainte-Marguerite dans la rivière Saguenay ou le secteur au large de Cacouna. Avec ces données issues de simples photos, nous sommes ainsi capables de mieux comprendre le mode de vie des bélugas, les endroits qu’ils fréquentent et ce qu’ils y font. Tout ça nous est utile pour nous donner des outils de gestion de l’habitat de cette espèce qui est classée en voie de disparition.
C’est donc pour ces raisons que semaine après semaine, année après année, nous continuons de naviguer sur le fleuve et le fiord et de prendre des photos des bélugas. Parce que ça fait seulement une trentaine d’années que nous les photo-identifions et que trente ans dans la vie d’un béluga qui vit jusqu’à 60-80 ans, ce n’est juste qu’une petite partie de son histoire!