Ce n’est pas impossible, mais aucune mention n’a été confirmée dans l’estuaire du Saint-Laurent cette saison. Peut-être était-ce le bout effilé d’un lobe de la queue d’un petit rorqual qui s’alimentait en surface, se lançant sur le côté et exhibant une portion de son dos noir et son ventre blanc? C’est à s’y méprendre!
À propos de l’épaulard (aussi appelé orque) et son aire de distribution, il est le cétacé le plus répandu dans le monde, mais il semble être peu abondant dans l’Atlantique Nord-Ouest. Même historiquement, du temps de la chasse commerciale, très peu d’épaulards ont fait l’objet de prises dans ces eaux. Il figure tout de même sur la liste des treize espèces du Saint-Laurent, même si les visites d’épaulard sont rares et sporadiques dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent avec une vingtaine d’observations depuis le début des années 1980.
Des observations passées
Il semblerait que le nombre d’épaulards qui fréquentent le Saint-Laurent aurait diminué dans les soixante dernières années; Vladykov (1944) aurait rapporté plusieurs épaulards, jusqu’à un groupe d’une quarantaine d’individus, qui se trouvaient régulièrement dans ces eaux au printemps et à l’automne, s’attaquant entre autres aux bélugas. Il est évident aujourd’hui que cette espèce y est beaucoup moins abondante: le plus gros groupe rapporté dans l’est du Canada dans les vingt dernières années est de 22 épaulards.
Un groupe d’épaulards a été observé régulièrement entre 1984 et 1997. Ce groupe, composé de quatre membres, renfermait entre autres l’épaulard surnommé « Jacknife », facilement reconnaissable à sa nageoire dorsale avec une encoche particulière. Jacknife, Jessie, Javelot et Junior étaient devenus quasi-légendaires à la Station de recherche des îles Mingan (MICS) après avoir été vus à huit reprises s’attaquant à des petits rorquals. Puis, entre 1997 et 1999, Jacknife a été aperçu seul, sans les autres membres de son groupe. La plupart de ces observations ont été faites dans le secteur entre Mingan et l’île d’Anticosti.
D’autres observations ponctuelles s’ajoutent dans la région de Mingan: en 2007, un jeune mâle joueur a été aperçu non loin d’un groupe de dauphins à flancs blancs par l’équipe du MICS alors que le brouillard s’installait. Il est resté pendant plus de 30 minutes, s’approchant du bateau en présentant le côté ventral de son corps et tapait la surface de l’eau avec sa queue ou nageait sous le navire. Il n’a pas été revu ensuite. En 2009, un groupe d’une douzaine d’épaulards a été rapporté au large de Havre-Saint-Pierre dans le golfe du Saint-Laurent.
Dans l’estuaire, la dernière observation remonte à 2003: deux épaulards ont été vus au large des Bergeronnes, une rencontre qui a d’ailleurs été filmée par l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM). Il s’agissait de la première observation dans l’estuaire depuis 1982.
Ainsi, les observations pour cette espèce de baleine sont rarissimes dans l’estuaire, mais les chances d’observer des épaulards augmentent en se déplaçant le long de la Basse-Côte-Nord et du détroit de Belle-Isle. L’équipe du MICS affirme avoir observé ce grand dauphin de mer chaque fois qu’ils ont fait du terrain dans la région de Blanc-Sablon. Les pêcheurs en signalent là-bas régulièrement. Finalement, le 4 juillet 2015, des photos ont été prises confirmant la présence de trois épaulards adultes et un jeune entre La Tabatière et Gros-Mécatina en Basse-Côte-Nord, près de Terre-Neuve. L’un des épaulards, présentant une encoche apparente sur la nageoire dorsale, semble être le même que celui photographié par un excursionniste de Twillingate sur la côte nord de Terre-Neuve 10 ans plus tôt. Pour le Canada atlantique, une banque de données et de photo-identifications inclut au moins 70 épaulards identifiés. Le manque de photos de qualité et le peu d’individus avec des marques facilement identifiables expliqueraient ce chiffre.