Pour trouver les grands rorquals, ce n’est pas parce qu’on a un bon bateau et qu’on sort sur l’eau dans une aire d’alimentation connue que le tour est joué. Ce n’est pas si simple de repérer ces animaux, même de cette taille et avec un souffle de dix mètres de hauteur. La mer est grande et il faut être sur l’eau souvent et le plus longtemps possible pour espérer les rencontrer. On peut être chanceux, et il faut savoir le reconnaître, parce qu’il y a toujours une grande part de chance ou de malchance dans cette recherche à tâtons.
Le 15 septembre dernier, par temps calme avec une visibilité parfaite, je fais une sortie dans l’estuaire afin d’en repérer et photo-identifier pour la Station de recherche des îles Mingan (MICS). Je sors à partir du Bic à la faveur de la marée haute. Après avoir parcouru une quarantaine de milles sans succès, je décide de revenir dans le secteur parcouru, mais en effectuant un tracé en zigzag, espérant favoriser ma recherche. À 16 h, alors que je suis sur ma ligne de retour, vers le Bic, j’aperçois enfin un grand souffle à un mille, 45 degrés sur mon côté tribord. C’est une grande bleue. Pendant que je photographie ce magnifique animal, je repère quatre autres souffles dans le même secteur. Comme je dis souvent, les baleines attirent les baleines. Trois rorquals bleus et deux rorquals communs s’alimentent dans un secteur qui fait approximativement 1,5 mille carré. Ces trois bleues sont des régulières de l’estuaire que je connais depuis plusieurs années, dont B197 rencontrée la première fois au large de Grosses-Roches en 2004. Elles m’ont tenu au large suffisamment longtemps pour manquer ma marée au Bic, j’ai donc dû rentrer sur Rimouski.
L’image de mon tracé me révèle par la suite que je suis passé près de ce groupe à deux reprises sans les voir. Je passais à une distance de 3 milles (5 km) d’eux, tout juste limite pour les apercevoir. Quelle malchance!
Sur mon retour, à une distance d’un mille et dans une lumière parfaite, je ne pouvais pas les manquer. Quelle chance!
Ce n’est donc pas parce qu’on fait une sortie dans un secteur sans voir une baleine, qu’il n’y en a pas.
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René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des îles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.