Des cas isolés de croisements d’ursidés et de mammifères marins sont observés depuis les années 1980. Cette adaptation de certaines espèces polaires à la perte de leur habitat pourrait-elle s’accélérer avec la fonte des glaces de mer? Des chercheurs s’interrogent aussi sur les conséquences de ce métissage et préconisent le suivi génétique des mammifères marins de l’Arctique.
« Pozzli », « béluval », baleine « franboréale »
Trois biologistes états-uniens ont publié leurs commentaires et cité les cas d’hybrides en Arctique dans la revue Nature du 16 décembre 2010. En 2006, un ours blanc et brun est bien, après analyse génétique, un hybride ours polaire-grizzli. En 2010, un hybride de deuxième génération, né d’un grizzli mâle et d’une femelle hybride, est documenté. Une présumée chimère de narval et de béluga a été observée à l’ouest du Groenland à la fin des années 1980. En 2009, une baleine d’apparence métissée d’une baleine boréale et d’une baleine franche fut photographiée dans la mer de Béring.
L’hybridation est un phénomène connu dans la nature et en captivité. Elle a, pour certaines espèces, constitué un renouvellement biologique. Chez les mammifères marins, elle est plus rare, avec des cas croisements entre phoques, marsouins ou rorquals (notamment rorqual bleu et rorqual commun). Mais, celle des espèces polaires est une nouveauté, car elle pourrait s’amplifier avec la fonte de la banquise dont les modèles prévoient la disparition totale en été d’ici la fin du siècle.
Des espèces en péril pourraient disparaître
Ainsi, ours polaires et grizzlis partageront plus souvent le même territoire, les espèces ou populations de phoques et de cétacés se seront plus séparées par une barrière de glaces et certaines pourraient changer d’habitat. Les individus d’une petite population ont moins de chance de se rencontrer. Quand les génomes se mélangent, des gènes spécifiques se perdent avec des impacts sur l’adaptation sociale et à l’environnement. Un ours polaire-grizzli en captivité n’a plus les capacités d’excellent nageur de l’ours polaire. Le narval-béluga du Groenland présentait des dents alliant les qualités des deux espèces, mais pas la défense du narval mâle, pourtant indispensable à son succès reproducteur. Si les premières générations d’hybrides peuvent être vigoureuses, les suivantes seront probablement moins adaptées et moins fertiles que leurs ancêtres.
Avec un croisement des petits rorquals du Pacifique Nord et de l’Atlantique Nord dans un Arctique libre de glace, la perte de diversité génétique serait, à priori, mineure, car leurs populations sont nombreuses. Mais celui des baleines boréales et des baleines franches du Pacifique Nord, estimées à moins de 200 individus, pourrait être fatal à cette dernière espèce. Les auteurs de l’article ont compté au moins 34 hybridations possibles dans les régions arctiques ou proches, et sur les 22 espèces en lice, 14 sont déjà en péril.
Agir sans perdre de temps
Pour ces chercheurs, l’Union internationale pour la conservation de la nature devrait développer le suivi des hybrides. Aux États-Unis, les hybrides coyote-loup rouge ont été supprimés pour que le loup rouge, en voie de disparition, survive. Les scientifiques devraient combiner les modèles océanographiques et géographiques de la banquise avec celui du paysage génomique pour anticiper l’émergence probable d’hybridations et contrôler les espèces en péril. Ils appellent les gouvernements et les populations à travailler en commun pour collecter des prélèvements génétiques sur les mammifères marins de l’Arctique.[Nature, Le Devoir, Maxisciences, Treehugger]
Pour en savoir plus:
Sur le site de Maxisciences