Pour la première fois dans cette région, des scientifiques ont étudié l’estomac d’un cachalot, mort d’avoir ingéré une forte quantité d’objets en plastique. Ils placent leur étude dans le contexte de la distribution de l’espèce en relation avec la présence d’activités humaines générant ces débris. Ils recommandent que le problème soit mieux étudié et pris en compte dans les plans de conservation de l’espèce.

L’étude menée par des biologistes espagnols, dont l’auteur principal est Renaud de Stephanis, a été récemment publiée par Elsevier dans le Marine Pollution Bulletin. Alors que cette pollution affecte l’ensemble de la faune marine depuis le début du 20e siècle, les impacts de l’ingestion de débris de plastiques chez les grands cétacés sont encore mal connus. Aujourd’hui, l’accumulation de débris de plastiques et leur fragmentation en petites particules sont devenues un problème majeur dans le monde entier. Ce fléau grandissant affecte la surface, les fonds et la colonne d’eau, que ce soit dans les océans ouverts, les mers plus fermées ou les zones côtières. Plus de 250 espèces marines subissent les impacts d’empêtrement dans ces débris (des cordes ou filets de pêche la plupart du temps) ou de leur ingestion. Chez les cétacés, les cas d’empêtrement sont le plus documentés.

Le contenu de l’estomac

Les chercheurs ont observé la carcasse d’un cachalot, mesurant 10 mètres pour 4 500 kg, échouée sur une plage de Grenade, en Espagne. Ne portant pas de traces de blessures causées par empêtrement, l’animal serait mort d’une rupture gastrique après avoir ingéré des débris plastiques et souffert d’inanition. Un amas de ces débris émergeait de la première poche gastrique déchirée; les intestins étaient vides.

Dans l’estomac du cachalot, les scientifiques ont trouvé, pour les plus grosses pièces: un pot de fleurs, un morceau de tuyau d’arrosage de plus de 2 m, une bâche, de la corde, une toile, de la cellophane pour emballage; parmi les plus petits: tube, couvercle, poignée, sac à usage unique. Au total, 59 pièces de plastique pesant près de 18 kg (le plus gros morceau pesant 2,5 kg). La surface totale de ces objets recouvre plus de 37 m2.

Selon les modèles de distribution de l’espèce dans la région, les cachalots sont observés dans deux zones distinctes: près du littoral comprenant les villes d’Alméria, Grenade et Murcia, et près du détroit de Gibraltar. Ils s’alimentent donc dans des eaux qui subissent l’impact de l’agriculture serricole, très présente dans cette région. Avec les débris de cette industrie emportés vers la mer, ces cétacés deviennent de plus en plus vulnérables. Les scientifiques pointent l’absence de données concernant ces débris. S’il est donc impossible de savoir si les cachalots capturent ces débris en surface, dans la colonne d’eau ou sur le fond, il semble très probable qu’ils les confondent avec des proies.

Recommandations

Dans cette étude, une seule carcasse a été analysée, pouvant représenter un cas isolé en Méditerranée. Mais dans la littérature scientifique, on trouve d’autres cas, comme des mortalités de jeunes cachalots dues à l’ingestion de débris plastiques.

Les auteurs de l’étude préconisent l’analyse de toutes les carcasses de cachalots échoués dans la région pour savoir si ces débris de plastiques représentent un problème pour la conservation de l’espèce en Méditerranée. Ils recommandent que l’augmentation des débris de la serriculture, qui sont aussi mobiles que les cachalots en Méditerranée, soit prise en considération dans le plan de conservation d’ACCOBAMS (Accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente).[Elsevier]

Actualité - 11/4/2013

Christine Gilliet

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