C’est habituellement à la mi-juillet que les premières mentions de nouveau-nés bélugas sont enregistrées, souvent en premier par l’équipe du GREMM qui étudient ces animaux quotidiennement dans leur habitat. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé le 9 juillet dernier, au large de Cacouna, dans l’estuaire du Saint-Laurent. Alors que l’équipe du Bleuvet s’apprête à changer de secteur pour rejoindre un groupe de bélugas, le capitaine remarque une femelle avec un comportement étrange, qui lui rappelle une situation particulière déjà vue dans le passé. Après quelques minutes d’observation, ses doutes se confirment: il y a là une femelle béluga qui maintient en surface un nouveau-né mort. L’équipe observe et documente pendant près de trois heures le comportement du béluga, présumément la mère du jeune. Ce comportement a effectivement été observé à quelques reprises chez les bélugas du Saint-Laurent. Il a également été documenté chez les dauphins et les chimpanzés, deux espèces pour lesquelles les liens mère-jeunes sont également très forts. Chez les chimpanzés, cet attachement de la mère à son jeune mort peut se prolonger sur plusieurs mois! La fonction de ce comportement n’est toutefois pas bien comprise et fait toujours l’objet de spéculation.
Les jours suivants, deux nouveau-nés ont été vus vivants, toujours par l’équipe du GREMM. Une semaine plus tard, le 17 juillet, Urgences Mammifères Marins reçoit un appel pour une carcasse de béluga à la dérive. Le témoin croit d’abord qu’il s’agit d’un mâle puisqu’une masse sort de la fente génitale. En s’approchant pour remorquer la carcasse fraîche, il constate qu’il s’agit plutôt d’une queue de nouveau-né. Il s’agit d’un cas de dystocie, c’est-à-dire une mise bas problématique. C’est la cinquième carcasse de béluga retrouvée cette année.
Le vétérinaire André Dallaire de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, qui a participé à la nécropsie de cette femelle adulte, explique que les tissus de l’utérus de la femelle étaient déchirés et que le nouveau-né, un mâle de bonne taille, s’était retrouvé dans la cavité abdominale. Des analyses ultérieures des poumons chez le jeune pourront confirmer s’il était mort depuis quelque temps ou si ce sont les complications de la mise bas qui ont mené à sa mort.
Depuis 2008, on observe une augmentation importante des mortalités chez les nouveau-nés bélugas, en plus d’une fréquence accrue des cas de dystocie chez les femelles. Ces augmentations coïncident avec le déclin récemment documenté dans la population de bélugas du Saint-Laurent, un enjeu qui fait l’objet d’examens et d’analyses au sein de la communauté des chercheurs et spécialistes.