À Gaspé, on dit qu’elle est morcelée; à Franquelin et à Sept-Îles, qu’elle s’étend à perte de vue; à Tadoussac, les blocs épars sur des eaux libres font rêver aux bélugas; et à Pointe-des-Monts, des centaines de phoques du Groenland passent au large des packs accumulés dans les baies. Cette semaine, les Nouvelles du large traitent de cette réalité hivernale dans le Saint-Laurent : la glace.
La glace est un élément majeur du Saint-Laurent — elle joue un rôle majeur sur la dynamique côtière, notamment sur l’érosion des côtes — et avec lequel la faune et l’humain doivent composer. Alors que certaines espèces de phoques, comme le phoque du Groenland et le phoque à capuchon, dépendent d’une banquise solide pour assurer la mise bas et la croissance des nouveau-nés, les baleines doivent plutôt se méfier des mouvements et de l’amoncèlement des blocs de glace, qui peuvent devenir un danger mortel. Elles ne sont pas les seules à se préoccuper de cette menace: capitaines et pilotes de la marine marchande font face chaque jour aux conditions de glace changeantes lorsqu’ils naviguent l’hiver en eaux froides. Ils comptent notamment sur le Service canadien des glaces (SCG) pour les guider dans ces dédales complexes et risqués. Le SCG publie quotidiennement un bulletin et des cartes détaillées des glaces, de précieux outils basés sur des données récoltées via des patrouilles aériennes et par bateau, de même que des images satellites. Selon ces spécialistes, en date du 19 février 2018, la couverture de glace cet hiver, comparée aux saisons passées (1980-2010), est sous la moyenne, soit environ 10 à 15%. La région à l’est du golfe, près de Terre-Neuve, est le secteur le moins glacé par rapport aux années antérieures.
L’hiver qui aurait battu tous les records de faible couverture de glace dans l’estuaire et le golfe depuis les années 1980 est celui de 2010-2011. La situation avait été dramatique pour la survie des jeunes phoques du Groenland. En effet, à la fin février et au début mars, des dizaines de milliers de phoques du Groenland se dirigent vers les iles de la Madeleine et se déploient sur la banquise qui ceinture l’archipel pour y mettre bas. Les nouveau-nés, les blanchons, sont allaités sur la banquise. Après 12 jours, les voilà sevrés. La mère quitte définitivement son petit pour se consacrer à l’accouplement. Il doit alors se débrouiller seul sur la glace et vivre sur ses réserves de graisse pendant trois à six semaines en attendant de muer et de pouvoir aller à l’eau chercher sa nourriture par lui-même.
D’autres «mammifères» sont aussi «friands» d’une glace solide: les adeptes de pêche blanche : une pêche sportive pratiquée une fois que la couche de glace sur l’eau est suffisamment épaisse pour permettre de s’y déplacer, d’installer un abri et d’y percer un trou. La pêche blanche sur le Saguenay, entamée à la mi-janvier, se terminera le 4 mars. Sous la responsabilité de Pêches et Océans Canada, des suivis sont réalisés pour gérer les ressources marines capturées (morue, sébaste et flétan du Groenland) jusqu’à 150 m de profondeur grâce à une brimbale. Une brimbale est une ligne lestée, munie d’un ou de plusieurs hameçons, qui est enroulée sur un levier monté sur un poteau qui est fixé près du trou.
Pour conclure ces nouvelles, une anecdote: un pêcheur de la baie des Ha! Ha! a attrapé une prise mémorable: une morue franche, ou morue de l’Atlantique, lourde d’environ 53 livres et longue de 117 cm! Normalement, à maturité, ce poisson mesure entre 45 et 55 cm. De quoi rappeler les «géants» recherchés par les Basques français et espagnols venus de l’autre côté de l’Atlantique pour pêcher ces mastodontes — et sans oublier les baleines franches — au début des années 1500.