Je termine une autre excitante saison d’observation de baleines et de collaboration avec la Station de recherche des iles Mingan. Je me demande d’ailleurs chaque année pourquoi faut-il qu’une saison se termine. Tout comme à chacune de mes sorties, pourquoi faut-il qu’une journée en mer se termine? Je pourrais m’en passer.
En 2019, j’ai fait 25 sorties/journées d’observations, parcouru 1535 milles nautiques dans l’estuaire maritime et la pointe Gaspésienne pour un total d’observations de 25 rorquals communs, 87 rorquals bleus et une centaine de rorquals à bosse. J’ai eu le privilège de sortir à trois reprises avec les professionnels du MICS. Un cadeau, puisque chaque sortie avec eux est très riche d’apprentissages.
Je clos cette saison cependant avec beaucoup d’amertume et de déception. Je n’ai jamais connu une saison avec autant d’observations de baleines fraichement blessées, particulièrement des blessures évidentes d’empêtrement dans des câbles ou cordages.
De plus, après avoir transmis mes photos et notes de terrain de la saison au MICS, le coordonnateur scientifique Christian Ramp m’informait qu’il avait trouvé dans mon lot de photos celles de deux animaux juvéniles que j’avais photographiés au large de Gaspé le 18 et 19 juillet et qui correspondaient aux deux rorquals à bosse trouvés morts au large de la baie des Chaleurs le 13 octobre dernier. Les carcasses n’ont pas été retrouvées après leur signalement et aucune nécropsie n’a pu être effectuée pour déterminer avec certitude la cause de leur mort. C’est bien triste, mais surtout décevant et choquant.
Présentement, les projecteurs et les ressources sont orientés à peu près exclusivement sur les baleines franches de l’Atlantique Nord. On établit des corridors de sécurité pour elles, mais ces détournements de trafic et d’agrès de pêche ne protègent pas les autres espèces de baleines. La vitesse et les cordages immergés tuent autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ces couloirs. Les engins de pêche tels qu’utilisés actuellement sont des menaces pour toutes les espèces de baleines. On peut très bien considérer que le nombre de baleines retrouvées avec blessure représente un faible pourcentage de celles qu’on ne reverra plus jamais. Les carcasses de grands rorquals ne flottent pas aussi bien que celles d’une baleine franche, de même qu’une baleine ancrée à une chaine de plusieurs casiers métalliques n’a pas beaucoup de chance de rester en surface.
Les baleines, qu’elles soient noires, grises ou bleus, sont des animaux qui méritent notre respect et doivent toutes être protégées adéquatement des risques encourus par l’activité humaine, particulièrement dans cette aire d’alimentation exceptionnelle qu’est le golfe du Saint-Laurent. Cette aire d’alimentation devient de plus en plus prisée par les grandes baleines à cause du réchauffement des eaux de zones voisines comme celles du golfe du Maine et de la baie de Fundy. Plusieurs articles ont paru sur le sujet. Tant que l’humain ne redonnera pas à la nature son réel statut, soit celui qui doit primer, il ne saura la protéger adéquatement. Il continuera malheureusement de privilégier «la croissance» à la sauvegarde de ces animaux qu’on doit aussi considérer comme des «ressources naturelles».
Je n’aimerais pas terminer ma dernière chronique saisonnière avec des photos de blessures sur ces animaux que je considère d’une grande beauté, c’est pourquoi je laisserai aux spécialistes le soin de les analyser et de les publier s’ils le jugent utile. Je vous offre cependant ces photos que j’ai réalisées le 19 juillet dernier au large de cap Gaspé des deux rorquals à bosse juvéniles que personne ne pourra plus jamais admirer.