L’année 2018 marque le 10e anniversaire d’un triste événement ayant marqué l’histoire du Saint-Laurent. En aout 2008, une floraison d’une algue rouge toxique, Alexandrium tamarense, de 600 km2 avait provoqué la mort de 10 bélugas, d’un jeune rorqual commun, 85 phoques ainsi qu’une multitude de poissons et oiseaux dans l’estuaire du Saint-Laurent. Le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins avait collaboré avec un regroupement d’experts pour favoriser la récupération des carcasses afin de déterminer les causes de mortalités et confirmer l’impact de l’éclosion des algues rouges.
Qu’est-ce qu’une marée rouge
Les algues rouges sont une variété d’algues microscopiques, présentes naturellement dans l’environnement. Elles ont un cycle de vie complexe avec une phase de dormance durant laquelle elles se retrouvent principalement dans les sédiments et une phase végétative où il y aura germination dans l’eau.
Les floraisons de ces algues sont stimulées par la concordance de plusieurs facteurs liés aux conditions météorologiques, chimiques et biologiques. Les pluies abondantes de l’été diminuent la salinité tout en élevant la température des eaux de surfaces et créent un apport de matière organique : voilà un environnement propice à la croissance d’Alexandrium tamarense.
Il existe plusieurs variétés de ces algues, dont certaines ne sont pas toxiques. À l’inverse, certaines algues rouges produisent plusieurs neurotoxines qui provoquent la paralysie des muscles respiratoires des animaux exposés.
Retour vers le futur
« Le lien direct entre une floraison d’algues toxiques, leurs toxines et le décès d’un organisme n’est pas si facile à faire. Même si l’algue en question, Alexandrium tamarense, produit une toxine qui, accumulée, peut bloquer le système respiratoire, un vétérinaire, en faisant sa nécropsie sur la carcasse, ne verra rien d’anormal. » — Michel Starr
Dans une entrevue accordée à Baleines en direct en 2017, Michel Starr, spécialiste en écologie du phytoplancton au sein de l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada, expliquait pourquoi il est difficile d’établir un lien entre la mortalité des animaux et la floraison des algues rouges. Il faut qu’il y ait des analyses des tissus de l’animal et notamment du foie pour pouvoir déceler des traces de contaminations. De plus, les analyses multiespèces, autant au niveau des mollusques, oiseaux, poissons et mammifères marins, ont permis de suivre et comprendre comment la contamination remonte le long de la chaine alimentaire.
10 ans plus tard, il est toujours aussi difficile de lutter contre ces phénomènes qui risquent de s’accroitre avec les changements climatiques et le réchauffement des océans. Bien que le Saint-Laurent n’ait pas été touché depuis 2008, par un événement de cette ampleur, des analyses sont réalisées périodiquement pour s’assurer que les concentrations d’algues rouges toxiques ne dépassent pas des seuils de concentration où elles pourraient avoir un effet néfaste pour la faune.
Ailleurs dans le monde, plusieurs floraisons ont eu lieu durant les dernières années. En Floride, une importante marée rouge a causé au cours des dernières semaines la mort de plusieurs poissons, oiseaux, requins et même de lamantins. Dans ce cas-ci, ce serait la variété d’algues rouges Karenia brevis qui serait en cause. Cet épisode de marée rouge, qui dure depuis le mois d’octobre 2017, a varié en intensité et a regagné en force au cours des dernières semaines.
Pour en savoir plus :
- (2017) Starr, M., Lair, S., Michaud, S., Scarratt, M., Quilliam, M., Lefaivre, D., Robert, M., Wotherspoon, A., Michaud, R., Ménard, N., Sauvé, G., Lessard, S., Béland, P., Measures, L. Multispecies mass mortality of marine fauna linked to a toxic dinoglagellate bloom. PLoS ONE 12(5) :e0176299.