Depuis 2004, le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) reçoit les alertes et les signalements pour les cas de mammifères marins en difficulté ou morts au numéro sans frais 1 877-7BALEINE (1-877-722-5346), joignable 24h/24 7 jours sur 7.
Mais comment fonctionne cet organisme traitant jusqu’à 500 appels par année ?
Organisation du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins
Le RQUMM s’organise autour d’un regroupement d’organismes à but non lucratif et d’organismes gouvernementaux. À cela s’ajoute des composantes fonctionnelles, à savoir, le Centre d’appels basé au Centre d’Interprétation des Mammifères Marins (CIMM) à Tadoussac, les premiers intervenants (incluant le réseau de bénévoles, les agents des pêches, et les gardes parc) et les spécialistes qui seront consultés pour le traitement des cas.
Le Centre d’appels, un carrefour pour les traitements de cas du Réseau
Tout commence par une observation d’un témoin ou d’un rapporteur : un phoque sur la plage, une carcasse échouée ou encore un mammifère marin empêtré dans un filet de pêche (1). Les témoins, animés par l’adrénaline de la situation, vont communiquer avec le Centre d’appels du Réseau… « Urgences mammifères marins, Comment puis-je vous aider ? »
Les préposés au Centre d’appels recueillent plusieurs informations essentielles (2) :
+ Nom complet du témoin
+ Cellulaire – moyen de communication disponible
+ Description de la situation
+ Espèce soupçonnée
+ État de santé de l’animal
+ Photo/vidéo
+ Localisation
Après avoir reçu le signalement, les préposés du Centre d’appels doivent corroborer les informations du témoin avec des données visuelles pour confirmer quel est le cas réel. En effet, il arrive que ce qui paraissait être un cas de carcasse de béluga se transforme en cas de carcasse d’esturgeon après réception de photo (3). En cas de doute des experts sont consultés pour confirmer l’espèce
À partir de ces données, les préposés au Centre d’appels évaluent la situation et déterminent quelle intervention est la plus appropriée pour le signalement (3 et 4). Dans les cas les plus complexes, le préposé communique avec des spécialistes affiliés au Réseau qui pourront donner des directives supplémentaires sur les interventions à mener (4*). Les préposés sont un pont de liaison entre les témoins, les premiers intervenants et les spécialistes.
Le réseau de bénévoles d’Urgences Mammifères Marins constitue une de ses plus grandes forces, avec ses 180 membres actifs, distribués de Montréal jusqu’aux Iles de la Madeleine. Ils seront dans la plupart des cas les premiers intervenants sur les lieux. Ils se chargent de la sensibilisation des personnes sur place, mais aussi établir des périmètres de sécurité autour de l’animal (5). Les bénévoles pourront également fournir au Centre d’appels des informations supplémentaires sur le cas, qui ne sont souvent pas disponibles dès le premier signalement (6). Des échantillons biologiques peuvent être récupérés pour des analyses ultérieures (7*)
Dans les cas les plus complexes — désempêtrement, mammifères marins échoués vivants, récupération de carcasses de béluga ou encore nécropsie — les spécialistes travaillant avec le Réseau seront amenés à intervenir.
Une fois les interventions amorcées, les préposés au Centre d’appels se chargent de sensibiliser le public et les témoins qui apportent de nouveaux signalements, mais aussi de consigner toutes les actions entreprises sur le cas dans les bases de données du Réseau (8).
La base de données d’Urgences Mammifères Marins, une mine d’or
Toutes les informations recueillies au cours du traitement du cas sont conciliées dans des bases de données régulièrement mise à jour et disponibles pour l’avancement de la recherche sur les mammifères marins. En analysant les données recueillies, il est entre autres possible de savoir s’il y a des anormalités dans le nombre de mortalités, comme ce fut le cas pour l’épisode des baleines noires en 2017, ou encore lors de la marée rouge de 2008.
Antoine Simond, candidat au doctorat en écotoxicologie à l’UQAM, dirigé par Jonathan Verreaultdu Centre de recherche en toxicologie de l’environnement (TOXEN), et Magali Houde de Environnement Canada, souligne l’importance de ces bases de données. Le Réseau permet d’obtenir des échantillons les plus frais possible, des carcasses de cétacés qui s’échouent sur nos rives pour avoir un portrait fiable de la contamination de ces animaux. De plus, l’accumulation de ces données permet aussi de procéder à des analyses temporelles sur l’évolution des concentrations de contaminant chez les populations de mammifères marins, mais aussi dans le cas des contaminants émergents, de savoir à partir de quand ces produits ont pu être observés pour la première fois.
En somme, l’intérêt de ce type de base de données est la mise en place d’un cercle vertueux. L’accumulation des données sur les cas traités a un effet bénéfique sur la recherche scientifique qui, en contrepartie, nous donne une meilleure compréhension des mammifères marins et de la façon dont le traitement des cas peut être amélioré. Alors si vous voyez un mammifère marin en difficulté ou mort, composez sans tarder le 1-877-7baleine !
Sources
(2017) Simond, A., Houde M., Lesage V., Verreault J. Temporal trends of PBDEs and emerging flame retardants in belugas from the St. Lawrence Estuary (Canada) and comparisons with minke whales and Canadian arctic belugas (Canada). Environmental Research 156 : 494-504.