Par Sonia Villalon
Les callosités des baleines noires sont des plaques irrégulières de tissus épaissis et kératinisés. Ces tissus constituent l’habitat de trois espèces de crustacés amphipodes spécialistes des baleines franches : Cyamis ovalis et Cyamis gracilis, de couleur blanche, sur les callosités normales des individus en santé et, à l’inverse, Cyamis erraticus, de couleur orange, dans les plaies des baleines malades et sur les très jeunes baleines. Ces petits crustacés, aussi appelés poux de baleines, cyamus, cyamidés et cyamides, se nourrissent de la peau des baleines. Incapables de nager et de survivre en eau libre, ils se transmettent d’une baleine à une autre par contact direct.
Apparaissant aux extrémités du rostre, sur les lèvres inférieures et le menton, sur le dessus des yeux, puis en avant et en arrière de l’évent, les callosités des baleines noires sont congénitales et non causées par l’environnement extérieur puisqu’elles sont déjà présentes chez le fœtus et aux différents stades prénataux. Cependant, elles ne sont pas encore complètement développées à la naissance et elles ne sont pas colonisées par les cyamides avant que les individus soient âgés de plusieurs mois. La symbiose entre ces espèces de cyamides et la baleine noire est peu comprise par les chercheurs. Pour qualifier une symbiose, on s’intéresse à l’effet de celle-ci sur les espèces impliquées. Pour les cyamides, l’avantage de cette symbiose est évident puisque ces callosités leur fournissent un habitat et des ressources alimentaires. Si ces cyamides nuisaient à leur hôte, on parlerait alors de parasitisme. Si elles n’avaient aucun effet sur leur hôte, on parlerait alors de commensalisme. Enfin, si elles procuraient un avantage à leur hôte, on parlerait de mutualisme.
Puisque ces callosités sont congénitales, les chercheurs s’interrogent sur l’avantage sélectif que pourrait procurer la présence de cyamides sur les baleines franches. Certains pensent qu’elles pourraient être impliquées dans la stratégie de reproduction de l’espèce. On sait que les mâles ont une plus grande proportion de callosités que les femelles. Puis, des mâles ont déjà été observés s’éraflant les uns les autres grâce à ces callosités. Elles pourraient donc être utilisées par les mâles lors de combats pour l’accès aux femelles. Cependant, cette hypothèse ne fait pas l’unanimité, car les femelles sont elles aussi dotées de callosités. C’est pourquoi certains chercheurs pensent plutôt qu’il s’agirait d’un moyen de défense optionnel contre les prédateurs pour les individus des deux sexes.
À l’heure actuelle, faute de pouvoir mettre en évidence un éventuel effet positif ou négatif de cette symbiose, les cyamides sont considérés comme des commensaux, c’est-à-dire qu’ils tirent un avantage de cette symbiose sans affaiblir ou nuire à leur hôte. Finalement, la fonction des callosités sur les baleines noires demeure un mystère.
Remarque : La forme, la taille et la place de ces callosités sont propres à chaque individu et constituent par conséquent une empreinte digitale permettant aux chercheurs de les photo-identifier.
Pour en savoir plus
- Payne R, Brazier O, Dorsey E, Perkins J, Rowntree V, Titus A (1983) External features in southern right whales (Eubalaena australis) and their use in identifying individuals. In: Payne R (ed) Communication and behaviour of whales. Westview Press, Boulder, pp 371–445
- William F. Perrin, Bernd Würsig and J.G.M. Thewissen (2009), Encyclopedia of Marine Mammals (Second Edition), (ISBN: 978-0-12-373553-9) page 965.