Le lundi 29 août, le capitaine d’un zodiac de Croisières Essipit et un passager ont été éjectés de leur bateau d’excursion suite à une collision. Ils ont été rapidement secourus et transportés au centre de santé des Escoumins et ne présenteraient heureusement que des blessures mineures. Selon les témoignages des témoins et les impacts sur le bateau, il s’agirait probablement d’une collision avec une baleine. De quelle espèce de baleine s’agissait-il? A-t-elle subi des blessures? Le capitaine a-t-il suivi les règles du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent et le code de conduite de l’Alliance Éco-Baleine? Il est encore trop tôt pour le dire. Une équipe d’enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) était sur place dès mardi pour connaître les circonstances de l’incident et les gardes du parc marin feront également enquête.

En attendant les conclusions et les leçons qui pourront être tirées de cet incident, l’équipe de BaleinesEnDirect.org a souhaité partager avec vous des informations importantes pour comprendre cet incident et initier une réflexion pour la suite.

L’incident a eu lieu dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, un secteur où il y a une forte concentration de baleines à cette période de l’année. Les baleines se regroupent en grand nombre dans l’estuaire du Saint-Laurent durant la période estivale pour se nourrir, une activité qui se déroule en grande partie près de la surface, où elles sont vulnérables aux collisions. Comme partout dans le monde où se rencontrent de telles concentrations de baleines, les risques de collisions sont bien réels. Comme le rappelait Richard Sears de la Station de recherche des îles Mingan (MICS) lors d’un incident semblable survenu au Mexique l’année dernière, « en général ce ne sont pas les baleines qui rentrent dans les bateaux, mais plutôt l’inverse. Souvent, les bateaux sont trop proches ou vont trop vite. Il faut toujours être prudent là où on peut croiser des baleines ».

Parcs Canada tient un répertoire des collisions dans le parc marin depuis 1992. Ces données démontrent qu’il y a régulièrement des collisions dans le parc, au moins une par année. Il y a d’ailleurs déjà eu trois incidents depuis le début de la saison 2016. C’est par contre la première fois, dans le parc marin, qu’une collision cause des blessures aux passagers. Dans les autres régions du monde, des collisions avec des mammifères marins sont également régulièrement rapportées, mais des incidents causant des blessures aux passagers sont relativement rares.

Plusieurs mesures et règlements ont d’ailleurs déjà été mis en place pour réduire les risques de collisions. Le Règlement sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent (RAM), adopté en 2002, prévoit des limites de vitesse selon diverses situations. Il est interdit de naviguer dans le parc à une vitesse supérieure à 25 nœuds ou de naviguer à une vitesse supérieure à 10 nœuds pendant que le bateau se trouve sur un site d’observation, défini comme un rayon d’un mille marin (soit 1852 m) autour d’un bateau en observation. Le RAM interdit également de naviguer à une vitesse supérieure à la vitesse minimale de manœuvre entre 100-400 m d’un cétacé et impose une limite de 400 m pour l’observation d’un mammifère marin en voie de disparition, soit les bélugas, les rorquals bleus et les baleines noires.

Dans sa version révisée, le RAM a fait passer le rayon des sites d’observation dans lesquels la vitesse de déplacement est limitée à 10 nœuds, de un mile marin à un demi-mile marin. En contrepartie, la nouvelle version du RAM limitera la vitesse dans l’embouchure du Saguenay, fortement fréquentée par les bélugas, à 15 nœuds.

Suite à un travail de concertation mené par Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et un groupe de scientifiques de l’Université de Montréal et du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), l’industrie maritime a adopté des mesures volontaires de réduction de la vitesse des navires marchands dans certains secteurs du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent avec une forte densité de baleines, essentiellement dans l’objectif de limiter les risques de collision. Ceci a mené à une réduction de la vitesse moyenne de 12 à 10 nœuds et démontre que des mesures volontaires peuvent aussi être efficaces.

En 2011, l’Alliance Éco-Baleine a été créée pour favoriser l’observation écoresponsable des baleines dans le parc marin. L’Alliance a lancé en 2011 le Guide de pratiques écoresponsables pour les capitaines-naturalistes — un outil complémentaire aux lois et règlements en vigueur, développé avec les capitaines pour favoriser l’adoption de comportements exemplaires sur l’eau. Suite à la formation de l’Alliance, les formations auprès des capitaines se sont également multipliées.

Robert Michaud, président et directeur scientifique du GREMM et témoin de l’évolution des activités d’observation des baleines dans le Saint-Laurent depuis le début des années 1980, se dit soulagé que l’incident n’ait pas fait de blessé grave tout en souhaitant qu’il en soit de même pour la baleine. Sans connaître les circonstances particulières de cet incident, M. Michaud rappelle que tous les gens qui naviguent dans le parc marin sont à risque de tels incidents. Il souhaite toutefois rappeler que la meilleure prudence est la vigilance et la réduction de vitesse. À l’instar de l’industrie maritime et dans l’esprit de l’Alliance Éco-Baleine, il encourage les entreprises et les capitaines à adopter des réductions volontaires de vitesse dans le parc marin, peut-être à 15 ou 20 nœuds, et à un retour aux zones de prudence de un mile marin autour des sites d’observation dans lesquelles on limiterait la vitesse à 10 nœuds.

Pour en savoir plus:

Sur Baleines en direct:

Les bonnes pratiques au Québec

Le règlement dans le parc marin

Alliance Éco-Baleine

Le Groupe de travail sur le transport maritime et la protection des mammifères marins

Dans les médias:

Collision entre un zodiac et une baleine (TVA, 30/08/2016)

Un zodiac heurte une baleine au large des Bergeronnes (Radio-Canada, 29/08/2016)

Actualité - 31/8/2016

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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