À l’instar des plongeurs humains, les baleines souffrent de blessures occasionnées par les bulles d’azote qui se forment dans leurs tissus. Des experts découvrent qu’elles n’ont pas de capacités physiologiques particulières, mais plutôt qu´elles savent gérer ce problème. Sauf quand elles sont exposées à des stress multiples, comme les sonars militaires.

Chez les humains, les accidents de décompression sont bien connus. L’azote, un des gaz contenus dans l´air inspiré par le plongeur, se dissout dans le sang et les tissus sous forme de microbulles. Si le plongeur remonte trop rapidement, les bulles grossissent et le gaz ne peut pas être expiré par les poumons. Des lésions plus ou moins graves peuvent apparaître, de la douleur articulaire à la paralysie et jusqu´à la mort. Ces accidents peuvent aussi survenir chez les apnéistes lors de plongées répétitives ou en profondeur extrême.

En avril 2010, le Woods Hole Oceanographic Institution´s Marine Mammal Center (WHOI MMC) a invité 28 experts internationaux en physiologie liée à la plongée, aussi bien chez les humains que les mammifères marins, à participer à un séminaire de trois jours pour faire le point sur leurs connaissances concernant la gestion des gaz sous pression par les mammifères marins. A l´issue du séminaire, les scientifiques ont publié une étude le 21 décembre 2011 sur le site Internet de Proceedings of the Royal Society B.

Gérer le taux d’azote et les bulles …

Chez les mammifères marins, qui passent la majorité de leur temps sous l´eau, les plongées répétées font partie de leur routine quotidienne, sans apparemment causer de blessures. Depuis une cinquantaine d´années et jusqu´à maintenant, les scientifiques ont pensé que ces mammifères disposaient d´une batterie d’adaptations anatomiques, physiologiques et comportementales leur permettant de réduire le taux d´azote dans leur sang et leurs tissus pendant la plongée, et qu´ils n´étaient pas exposés à des accidents de décompression, d´autant plus qu´ils plongent en apnée.

Mais de récentes études montrent qu´ils peuvent, eux aussi, souffrir de cette formation de bulles de gaz dans leurs tissus dans certaines circonstances. Ces experts suggèrent que, chez les mammifères en plongée, les réponses physiologiques varient en fonction de la présence dans leur environnement d’agents stressants multiples, et que la physiologie des mammifères marins ne consiste pas simplement à minimiser le taux d’azote dans leurs tissus, mais plutôt à le gérer, ou faire avec, de manière très régulière. Ainsi, pour ces chercheurs, la présence et le taux d’azote dans les tissus des mammifères marins pourraient présenter de plus grandes variations qu´ils ne l’avaient cru précédemment.

… à condition de ne pas subir de stress multiples

Les premiers constats et hypothèses de ces chercheurs résultent des nécropsies effectuées sur les carcasses de baleines à bec qui s´étaient échouées sur les plages des îles Canaries en 2002, après avoir été exposées à des exercices de sonars militaires. Pour ces baleines, des lésions graves liées à la formation de bulles de gaz dans leurs tissus ont été mises en évidence. Ce type de son intense pourrait avoir un impact direct sur la formation de bulles d ‘azote ou bien sur le comportement des baleines qui modifieraient le profil de leurs plongées (temps et profondeur), ce qui provoquerait une saturation excessive des tissus et une importante formation de bulles de gaz.

Les experts du WHOI ont utilisé un appareil d’imagerie médicale (CT scanner) pour examiner les carcasses des mammifères marins à différentes pressions pour comprendre le comportement des gaz dans le corps. Pour d´autres études, ils ont eu recours à un dispositif portable à ultrasons pour détecter la présence de gaz chez des dauphins échoués vivants. D´autres études ont porté sur des cachalots et des phoques.

Les chercheurs réunis en séminaire comptent bien poursuivre leurs recherches grâce à ces technologies, car il y a beaucoup à apprendre sur les effets des bulles de gaz au niveau du fonctionnement moléculaire, cellulaire et organique chez les mammifères marins.

Actualité - 19/1/2012

Christine Gilliet

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