Avec leurs fèces, carcasses et déplacements, les populations des baleines de grande taille joueraient un rôle majeur dans la richesse et la stabilité de la chaîne alimentaire, si elles se rétablissaient. Elles aideraient les écosystèmes à s’adapter aux changements climatiques.

Ce constat et cet espoir sont établis par une équipe de dix chercheurs de plusieurs pays, dans leur étude publiée le 3 juillet 2014 sur le site web de la revue Frontiers of Ecology and Environment. Ils ont travaillé avec des données compilées sur des dizaines d’années et avec des modèles pour les analyser. Lyne Morissette, chercheuse québécoise basée à Rimouski, a contribué à cette étude menée par Joe Roman aux États-Unis (University of Vermont), par ses travaux portant sur l’écologie des mammifères marins et leurs interactions avec les pêcheries ainsi que sur la résilience des écosystèmes.

Selon ces chercheurs, les baleines de grande taille, baleines à fanons et cachalots, ont certainement joué un rôle important pour la santé des océans et des écosystèmes, avant que leurs populations soient décimées par la chasse commerciale. L’estimation de leur déclin se situant entre 66 % et 90 %, la perte d’un grand nombre de grands cétacés aurait eu un impact négatif sur la structure et la fonction des océans. Leur rétablissement est possible, et pour un certain nombre d’espèces, il est même en cours grâce à l’instauration du moratoire sur la chasse commerciale par la Commission baleinière internationale.

Des ingénieurs de la dynamique des écosystèmes

Ces chercheurs qualifient les géants des mers d’ingénieurs des écosystèmes. Pour satisfaire leurs besoins métaboliques très importants, ces baleines mangent des poissons et des invertébrés. Elles-mêmes sont des proies pour des super-prédateurs capables de s’attaquer à elles, comme l’épaulard. Dans la colonne d’eau, elles assurent la dispersion des nutriments, à l’échelle locale et globale, sur un plan horizontal et vertical. Leurs carcasses, qui se déposent au fond de l’eau, procurent un habitat pour des dizaines d’espèces d’invertébrés, voire des centaines, qui ne vivent qu’à leurs côtés. Elles représentent un important réservoir capable de séquestrer le carbone.

Dans leurs aires d’alimentation, les grands cétacés recyclent les nutriments et favorisent la production primaire, le plancton. Ils s’alimentent dans la colonne d’eau et rejettent leurs excréments en surface, créant ainsi une « pompe de baleine » bénéfique. Ces nutriments, ils les transportent aussi des eaux froides des hautes latitudes, où ils s’alimentent, vers les eaux plus chaudes de leurs aires de reproduction qui sont naturellement moins riches.

Changements climatiques et pêcheries, un avantage

Dans le contexte des changements climatiques, le rétablissement continu à long terme des grandes baleines contribuera à aider les écosystèmes marins à amortir les stress auxquels ils devront s’adapter. Les auteurs de l’étude pensent qu’avec les services que les baleines rendent en matière de productivité (stabilité de la biomasse et séquestration du carbone au fond de l’océan), nous n’avons qu’à souhaiter que leurs populations retrouvent le nombre d’individus qui les constituait avant le début de la chasse.

Les grandes baleines ont longtemps été redoutées des humains qui les approchaient pour les chasser. Pour eux, elles étaient des monstres marins et leur inspiraient la terreur. Les pêcheurs les ont parfois tenues pour responsables du déclin de certaines espèces de poissons d’intérêt commercial. Les biologistes qui ont mené l’étude estiment aujourd’hui que, bien au contraire, elles augmentent la productivité de la biomasse dans les régions où elles se rassemblent pour s’alimenter et se reproduire. Un gain et une garantie pour la prospérité des pêcheries.

Source

Sur le site de Frontiers in Ecology and the Environment (en anglais seulement):

Whales as marine ecosystem engineers

On a aimé regarder

Sur le site de You Tube (en anglais seulement):

Whales as Ecosystem Engineers

Sur le site du Guardian (en anglais seulement):

Why whale poo could be the secret to reversing the effects of climate change

Sur le site de Science (en anglais seulement):

Rebounding whale populations are good for ocean ecosystems

Sur le site de Baleines en direct:

Lyne Morissette (co-auteure de l’étude)

La vie sexuelle des cétacés, au-delà de la reproduction

Un article paru dans les dernières semaines relate une interaction pour le moins inattendue entre deux rorquals à bosse mâles.…

|Actualité 18/4/2024

Hybridation chez les rorquals bleus : encore des mystères à percer

Chassées, menacées, décimées. Les plus géantes de toutes les baleines ont subi les assauts de l’être humain au cours du…

|Actualité 11/4/2024

Meredith Sherrill : un exemple de ténacité pour travailler avec les baleines!

Pour travailler sur les baleines, son parcours s’est tracé entre la Californie, le Michigan, l'Écosse, pour finalement l'amener au Québec!…

|Actualité 7/3/2024