Le jugement vient d’être rendu par la Cour internationale de justice. Estimant que le Japon détourne le moratoire international sur la chasse commerciale, l’Australie avait demandé l’arrêt de son programme de recherche scientifique Jarpa II en Antarctique.

Après avoir tenu des audiences publiques et consulté des experts, la Cour, par l’entremise du juge Peter Tomka, a rendu sa décision le 31 mars dernier: « Le Japon doit révoquer tout permis, toute autorisation ou toute licence déjà délivrée dans le cadre de Jarpa II et s’abstenir d’accorder tout nouveau permis au titre de ce programme. Les permis spéciaux ne sont pas délivrés en vue de recherche scientifique. Des considérations financières, plutôt que des critères purement scientifiques, sont intervenues dans la conception du programme. » La CIJ a estimé que les quotas de captures octroyés dans le cadre de JARPA II étaient non raisonnables et que le programme manquait de transparence.

L’Australie avait déposé une requête contre le Japon devant la Cour internationale de justice (CIJ) le 31 mai 2010. Sa requête portait sur la chasse à la baleine que pratique ce pays dans l’Antarctique dans le cadre de son programme de recherche scientifique avec permis spécial Jarpa II (Japanese Whale Research Program under Special Permit in the Antarctic). Elle demandait l’arrêt de ce programme stipulant qu’il se faisait « en violation tant des obligations contractées par cet État aux termes de la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine … que d’autres obligations internationales relatives à la préservation des mammifères marins et de l’environnement marin ». L’Australie a été épaulée dans sa requête par l’intervention de la Nouvelle-Zélande en 2012.

Statuer sur l’interprétation d’une convention

Lors de l’examen par la Cour, le Japon a fait valoir de son côté que ses activités étaient licites. Lorsque le moratoire international sur la chasse commerciale à la baleine est entré en vigueur en 1986, le Japon a mis en place son programme JARPA dès la saison suivante : il s’est octroyé des permis spéciaux « en vue de recherches scientifiques » qu’il estime conformes à ce que prévoit le paragraphe 1 de l’article VIII de la convention internationale adoptée en 1946 par la Commission baleinière internationale (CBI). La CBI a le mandat d’assurer la conservation des populations tout en rendant possible le développement durable de la chasse. JARPA a été suivi du programme JARPA II en 1985 et 1986, selon lequel le Japon peut capturer 850 petits rorquals, 50 rorquals communs et 50 rorquals à bosse.

La CIJ a donc effectué l’examen de la requête de l’Australie en se basant sur les questions relatives à l’interprétation et à l’application de l’article VIII de la convention, et afin d’établir si les permis spéciaux délivrés dans le cadre de JARPA II le sont à des fins de recherche scientifique au sens du paragraphe 1 de l’article. La Cour a enquêté sur la conception et la mise en oeuvre de JARPA II, pour statuer sur leur caractère raisonnable par rapport aux objectifs de recherche annoncés.

Le Japon a déclaré être « profondément déçu » par le jugement de la Cour, mais qu’il respecterait sa décision. Les jugements de la CIJ ont une force obligatoire et ne peuvent faire l’objet d’un appel par les parties concernées. Un responsable de l’Agence des pêches japonaises a déclaré : « Nous avons décidé d’annuler notre campagne de recherche sur les baleines dans l’Antarctique pour l’année budgétaire qui a débuté en avril, à cause de la récente décision de justice ». « Mais nous prévoyons de poursuivre le programme de recherche baleinier ailleurs comme prévu », a-t-il ajouté, notamment dans l’océan Pacifique Nord.

Pour une tradition mourante

Le Japon, qui affirme que la chasse à la baleine et la consommation de sa chair sont des traditions ancestrales, écoule sur ses marchés les stocks de viande provenant de sa chasse scientifique. L’engouement des consommateurs n’étant pas au rendez-vous, cette viande est vendue à bas prix et même distribuée gratuitement dans des cantines scolaires et des maisons de retraite. Selon les données publiées par l´Institut de recherche sur les cétacés (IRC), organisme semi-public japonais, 908,8 des 1 211 tonnes de viande issue de la campagne 2010-2011 et commercialisée entre novembre 2011 et mars 2012 n´avaient pas trouvé d’acheteurs, ce qui représente presque trois quarts des captures.

Selon la requête de l’Australie, le Japon a chassé plus de dix mille baleines entre 1987 et 2009. Depuis 2010, la chasse pratiquée par le Japon a fortement diminué, notamment en raison des interventions de groupes antichasse parfois très offensives sur l’eau.

La Norvège et l’Islande font objection au moratoire et continuent à pratiquer une chasse commerciale, au petit rorqual pour la Norvège, au petit rorqual et au rorqual commun pour l’Islande. D’autres pays, membres ou pas de la CBI, pratiquent une chasse de subsistance pour leurs communautés dont l’économie et la culture traditionnelle s’appuient encore sur la capture des baleines.

Source

Sur le site de la Cour internationale de justice:
Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon; Nouvelle-Zélande (intervenant)): arrêt 31 mars 2014

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Actualité - 3/4/2014

Christine Gilliet

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