Des toxines produites par certaines algues sont présentes dans la chaîne alimentaire marine de l’Alaska dans des concentrations suffisamment élevées pour être détectées chez plusieurs espèces de mammifères marins. C’est ce que révèle une étude de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique et de ses partenaires, publiée récemment dans la revue Harmful Algae. C’est la première fois que des toxines algales sont détectées chez des mammifères marins vivants dans une région aussi nordique.

Les changements environnementaux en cours dans les régions arctiques et subarctiques, notamment le réchauffement des océans et la disparition de la glace saisonnière, risquent d’augmenter la fréquence des floraisons d’algues toxiques, aussi appelée marées rouges, dans ces régions. Les mammifères marins vivant dans ces régions sont-ils déjà exposés aux toxines produites par certaines algues ? Les chercheurs ont tenté de répondre à cette question en étudiant la présence de deux toxines, l’acide domoïque et la saxitoxine, chez treize espèces de mammifères marins en Alaska.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons – principalement de la matière fécale, de l’urine, du sérum et du contenu gastrique et intestinal – chez plus de 900 individus de mammifères marins. Les espèces étudiées comprenaient le rorqual à bosse, la baleine boréale, le béluga, le marsouin commun, l’otarie à fourrure du Nord, l’otarie de Steller, le phoque commun, le phoque annelé, le phoque barbu, le phoque tacheté, le phoque rubané, le morse du Pacifique et la loutre de mer.

© Jerzy Strzelecki
© Jerzy Strzelecki

L’acide domoïque a été détecté chez les 13 espèces étudiées. La saxitoxine, quant à elle, a été détectée chez 10 des 13 espèces. Les concentrations les plus élevées des deux toxines ont été détectées chez le morse du Pacifique, avec des concentrations d’acide domoïque similaires à celles détectées chez les otaries de Californie présentant des signes cliniques d’intoxication au large des côtes californiennes. L’acide domoïque a aussi été détecté dans les fœtus de trois espèces – le béluga, le marsouin commun et l’otarie de Steller – démontrant que cette toxine peut traverser la barrière placentaire.

Cette étude démontre que deux neurotoxines sont déjà bien présentes chez les mammifères marins de l’Alaska. Les concentrations actuelles sont-elles dangereuses pour leur santé? Il est présentement impossible de répondre à cette question. Dans le golfe de l’Alaska, une trentaine de carcasses de grandes baleines ont été trouvées durant l’été 2015 et les scientifiques soupçonnent une intoxication à une algue toxique mais aucune preuve n’a été rapportée jusqu’à maintenant. Vu les tendances climatiques actuelles et prévues, les toxines algales pourraient devenir une menace de plus en plus importante pour la santé des mammifères marins vivant dans les régions arctiques et subarctiques. La concentration et la prévalence de ces toxines chez les mammifères marins devront être suivies de près.

Source :

Sur le site Science Direct : Prevalence of algal toxins in Alaskan marine mammals foraging in a changing arctic and subarctic environment

Pour en savoir plus :

Sur Phys.org : Testing detects algal toxins in Alaska marine mammals

Sur Baleines en direct : Comment une algue microscopique peut-elle causer la mort d’une baleine de 45 tonnes?

Actualité - 1/3/2016

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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