Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) déposait le 15 septembre dernier un rapport intitulé « Vers le rétablissement des poissons de fond et d´une pêche durable dans l´Est du Canada ».

Le Conseil rappelle dans ce rapport que les stocks de poissons de fond ne se sont pas rétablis, malgré le moratoire de 1992 qui a été suivi par des prises très limitées. C´est le cas notamment pour la morue. Ailleurs dans le monde, ce type de réduction de l´effort de pêche a souvent eu de bons résultats sur l´état des stocks. La situation est frustrante pour les communautés qui, traditionnellement, vivaient de cette pêche dans le golfe du Saint-Laurent. Pour le Conseil, la stratégie consistant à « éviter de nuire et attendre » n´est pas suffisante. Reconnaissant que de nombreux facteurs naturels peuvent influencer la capacité de rétablissement des stocks et décrivant les lacunes dans les connaissances scientifiques, le Conseil cible néanmoins les mortalités occasionnées par le phoque gris, prédateur de morue. Selon le Conseil, les informations rapportées par des milliers de pêcheurs et l´avis le plus récent publié par le Secrétariat canadien de consultation scientifique de Pêches et Océans Canada indiquent qu´il s´agit probablement d´un facteur important. Le phoque gris est également le vecteur d´un parasite diminuant la qualité des filets de morue.

La recommandation qui a fait coulé beaucoup d´encre depuis la parution du rapport est donc celle de procéder à l´abattage massif de phoques gris dans le sud du golfe du Saint-Laurent, afin de « vérifier l´hypothèse selon laquelle la prédation par les phoques gris serait le principal obstacle au rétablissement des poissons de fond dans cette région ». Spécifiquement, le Conseil recommande un abattage initial d´environ 70 000 bêtes d´ici un an ou deux, suivi pendant cinq ans par des prélèvements annuels suffisamment élevés pour maintenir la taille de la population à un niveau réduit, soit un autre 70 000 bêtes au total. Pour se faire, le Conseil recommande la chasse commerciale ciblée dans des zones restreintes, visant les phoques adultes aussi bien que les jeunes. La population de phoques gris dans l´Est du Canada est en augmentation depuis les années 1960, étant passée de 10 000 têtes à environ 350 000 aujourd´hui. La zone visée par l´abattage est fréquentée par environ 100 000 phoques.

Beaucoup de voix s´élèvent contre cette recommandation, notamment celles de groupes animalistes et de scientifiques. Une représentante d´IFAW, Sheryl Fink, réagissait dans le Globe and Mail en affirmant qu´il ne s´agissait pas d´une expérience scientifique mais d´une décision politique utilisant les phoques comme boucs émissaires. Le Dr Hal Whitehead, professeur à l´Université de Dalhousie, dénonce le fait que ce programme d´abattage soit présenté comme une expérience scientifique. Il croit que cette recommandation repose plutôt sur le désir d´apaiser les pêcheurs.

Malgré sa recommandation de procéder à l´abattage massif de phoques gris, le Conseil indique que cette mesure produirait des effets inattendus sur d´autres espèces, et que ces effets pourraient nuire à la morue. Le Conseil s´inquiète aussi de l´impact d´un tel abattage sur l´image des pêcheries canadiennes à l´étranger.

En plus de cette recommandation qui vise la reconstitution des stocks de poissons de fond, le Conseil souligne l´importance de mettre en place des pratiques de pêche durables et économiquement viables, de même que des mesures favorisant une grande qualité des produits issus des poissons de fond. Il préconise aussi la modernisation de la Loi sur les pêches, mais pas l´assujettissement des stocks de poissons de fond à la Loi sur les espèces en péril, jugées trop « normatives ». Il prône également des politiques qui permettraient une meilleure collaboration entre les scientifiques, les gestionnaires et l´industrie de la pêche, pour instaurer confiance, respect et concertation.

Le Conseil est composé de représentants issus du milieu des pêches ou de la transformation des produits de la mer, de biologistes, d´universitaires, de même que de gestionnaires de Pêches et Océans Canada et de représentants des provinces et territoires de l´Est du Canada. Il appartient au ministre de Pêches et Océans Canada, Keith Ashfield, de prendre des décisions suite aux recommandations du Conseil. [CCRH, Secrétariat canadien de consultation scientifique de Pêches et Océans Canada, Globe and Mail, Radio-Canada]

Pour en savoir plus:

Sur le site de Conseil pour la conservation des ressources halieutiques

Sur Baleines en direct: Contrôle des populations

Actualité - 20/10/2011

Christine Gilliet

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